Game of Throne

Le tableau final de Roland-Garros sera bientôt connu. Mais le nom de son vainqueur, de celui à qui reviendra le trône parisien pour un an, ne le sera que dans trois semaines, et le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a rien d’évident.

Naturellement, et ce n’est pas nouveau, deux noms se dégagent : celui de Djokovic, numéro un mondial et tenant du titre des trois dernières levées du Grand-Chelem, et celui de Nadal, pour ainsi dire invincible porte d’Auteuil. La victoire du premier à Madrid et du second à Rome, il y a trois jours, sont la preuve qu’ils sont prêts à jouer les premiers rôles cette année encore à Paris, sur une terre battue légendaire. Leur suprématie en termes de jeu et d’ascendance mentale reste entière dans les tournois du Grand-Chelem, dont le format des matchs, en cinq sets, leur donne un avantage stratégique indéniable. Entre eux deux, d’ailleurs, difficile de trancher pour élire celui qui aurait le plus de chances de l’emporter en fin de compte : si Rafa reste la référence ultime sur ocre, Novak a pris le dessus sur lui depuis un certain temps et il semble détenir la clé tennistique pour le dominer même au meilleur des cinq manches, comme tend à l’indiquer sa victoire sans appel en finale de l’Open d’Australie. Néanmoins, intrinsèquement – autant dire en valeur absolue -, le Majorquain demeurerait sur terre supérieur s’il parvient à se libérer mentalement,  soit, entre autres, à jouer long et à lâcher son coup droit avec la force et l’acuité inlassables qu’on lui sait capable d’atteindre.

Derrière ces deux champions hors-normes, trois autres noms se distinguent : ceux de Thiem, Tsitsipas et del Potro, pour des raisons différentes. Thiem a remporté avec autorité le tournoi de Barcelone, battant Nadal au passage, et les résultats qu’il a eus à Roland-Garros ces deux dernières années – demi-finaliste et finaliste, rien de moins – plaident clairement en sa faveur. La puissance de ses frappes liftées est redoutable sur ocre pour tout joueur, quel qu’il soit. Tsitsipas, quant à lui, vient de faire une entrée marquante dans les huit premiers mondiaux à travers des succès notables, dont une victoire à Madrid sur Nadal. La confiance du joueur grec est à son summum, ainsi que son envie de poursuivre sa progression au plus haut. Le cas de del Potro, cinquième nom avancé au total, est à part. Âgé de trente ans, revenant à nouveau de blessure, l’Argentin pourrait manquer de fond dans la durée, qui plus est sur une surface aussi exigeante que la terre battue. Cependant, il est de la trempe des plus grands, et ce n’est pas son dernier match en date qui peut l’infirmer, qui l’a vu parvenir à un point de la victoire contre Djokovic à Rome, dans un quart de finale splendide, d’une intensité rare. Pour cela, et pour son coup droit hors-pair et son aptitude à rester calme dans les moments les plus chauds, il n’y aurait rien d’étonnant à retrouver Juan Martin dans le dernier carré au moins, si son physique ne le trahit pas.

GS, le 22 / 5 / 2019

Nadal retrouve ses terres

En remportant la finale du Master 1000 de Rome hier au détriment de Novak Djokovic (6 / 0, 4 / 6, 6 / 1), Rafael Nadal a gagné son premier titre de l’année sur sa surface de prédilection.

Longtemps inégal, le match aurait pu aller très vite. Djokovic était fatigué et Nadal a, de son côté, évolué à très haut niveau, globalement. Mais il a finalement duré : deux heures et vingt-cinq minutes, au total. La faute à la nervosité palpable qui a rattrapé l’Espagnol à la fin du second set, quand au contraire le Serbe avait trouvé un second souffle à travers un relâchement qui lui donnait des points gagnants particulièrement aiguisés, notamment côté revers, côté qui pour autant manqua clairement de régularité sur l’ensemble de la rencontre. Subitement, de façon criante, la pression rattrapa Nadal qui n’avait plus gagné de tournoi depuis presque un an, car il pouvait se voir tout près de juguler cette donne, de conjurer le signe indien, qui plus est en battant son plus grand rival du moment. On ne peut plus visiblement, ses coups se mirent à rétrécir, ses balles à raccourcir, ses traits à se tirer, ce qui permit à Novak de prolonger le suspense quelque peu. Néanmoins, dès l’entame du troisième et dernier set, Rafa resserra son jeu et se détacha logiquement sans ensuite rencontrer d’encombres. Le trou noir était passé.

Il reste, et c’est tant mieux, Roland-Garros arrivant, à savoir ce qui se serait passé si le numéro un mondial n’avait pas été touché physiquement par la rencontre épique qui le vit en quart de finale presque perdre face à Juan Martin del Potro, auteur d’un match énorme de plus.

GS, le 20 / 5 / 2019