Tous les articles par Galien Sarde

A qui la terre (promise) ?

La saison sur terre battue commence. Avant elle grandes sont les questions concernant trois champions. Qu’en est-il au fond de Rafael Nadal, de Roger Federer, d’Andy Murray, eux qui avec Novak Djokovic désormais seul au monde ont formé ce qu’on a appelé le Big Four ?

S’agissant de Nadal, je ne peux émettre de pronostics optimistes. Il a trop accumulé les revers depuis deux ans pour être vraiment crédible au plus haut. En outre, cela fait cinq ans qu’il est dominé sur terre par Novak Djokovic, sauf à Roland-Garros. Enfin, ce qu’il a montré en février sur la terre battue sud-américaine est rien moins que rassurant. Non, Nadal ne gagnera pas Roland-Garros, sûrement même ne gagnera-t-il pas de Masters 1000 cette année sur ses courts de prédilection. Je ne vois pas comment croire à une renaissance de Rafa, dont le volume de jeu, en coup droit notamment, est si loin de celui qu’il proposa par le passé.

Pour ce qui est de Federer, je ne peux guère émettre non plus de pronostics favorables. Cela fait bien longtemps que la terre lui pose problème au plus haut, qu’il n’y a pas remporté de titres majeurs. De surcroît il revient de blessure et la pause fut longue, sûrement trop longue, sans compter l’âge, fatalement là. Le terre battue impose un jeu astreignant qui ne convient plus à l’envie naturelle de vitesse de l’Helvète.

Il reste le cas d’Andy Murray. Là, pour le coup, tout est ouvert. Certes il n’a rien fait depuis sa finale à l’Open d’Australie, certes la terre battue n’est pas sa surface préférée, mais son fond de jeu est là, aucun doute, et l’année dernière sa campagne terrienne fut triomphante – après avoir gagné un Masters 1000, celui de Madrid, en battant Nadal en finale, il n’a été stoppé à Roland-Garros qu’en demi-finale et en cinq sets par Djokovic. Une autre inconnue le concerne, virtuellement de taille : comment le joueur écossais va-t-il gérer les émotions nouvelles liées à sa paternité ? Celle-ci avait littéralement porté Novak Djokovic vers de nouveaux sommets à travers davantage de sérénité, mais ne sera-t-elle pas plutôt un facteur de distraction pour Andy Murray? Impossible à dire.

Quoi qu’il en soit, les paris sont ouverts, et le tournoi de Monte-Carlo, qui s’ouvre ce week-end, fera plus que fournir des éléments de réponse.

GS, le 8 / 4 / 2016

Djokovic est-il invincible ?

Posons les choses simplement. Novak Djokovic perdra son invincibilité, sauf à se blesser, seulement si un joueur parvient à être plus fort que lui dans une ou deux des qualités basiques qui rentrent en jeu dans le tennis. Or ce n’est pas rien. Djokovic est en effet le plus impressionnant physiquement, mentalement, sans l’ombre d’un doute. En outre, ses facultés tactiques sont très grandes, savamment aiguisées avec une équipe dont l’efficacité n’est plus à prouver. Non, ce ne sera pas rien.

Il y aurait trois possibilités. Les deux premières ont déjà marché – elles ont déjà permis de battre Novak Djokovic -, la dernière non, mais elle a commencé à faire ses preuves en ce sens qu’elle a posé des problèmes au numéro 1 mondial.

La première possibilité consisterait à être plus vif que lui, ou plutôt à le prendre de vitesse. Federer bien sûr, mais encore, début 2015, Karlovic à sa façon, y sont parvenus. Casser le rythme, ou plutôt l’empêcher, jouer en séquences brèves, hachées, entre autres en montant au filet, est une solution. Le chop, à cet égard, est une clé précieuse qui, Djokovic la gérât-il proprement, au moins le neutralise, au mieux lui fait commettre des fautes pour lui inhabituelles – son match contre Dimitrov à Wimbledon en 2014 fut sur ce point éloquent, ainsi que celui contre Tsonga cette année à Indian Wells. Une autre possibilité serait d’être plus fort que lui, Novak, du fond de court – ce que Rafael Nadal fut, et plus récemment, avec plus d’impact direct, Stanislas Wawrinka -, de parvenir à travailler le Serbe en puissance et en profondeur pour le sortir de sa zone de confort. La troisième reviendrait à se montrer patient et plus créatif que lui, à lui proposer des variations incessantes autour d’un même thème : celui de refuser de faire la faute le premier et de se lancer dans une recherche systématique du point gagnant, en affûtant au contraire sa capacité à le faire déjouer, provoquer de ses fautes. Notons qu’une telle tactique implique naturellement de pouvoir rivaliser en endurance avec Novak, ce qui est donné à très peu. Andy Murray me semble avoir toutes les armes pour cela – et du reste, en finale de l’Open d’Australie 2015, il a de la sorte parfaitement manoeuvré jusqu’à perdre pied au tiers du troisième set -, ou moindrement Gilles Simon, le seul à avoir pris deux sets au maître cette année.

Dans tous les cas, il restera – et c’est le plus dur au tennis -, à être capable de clore le match, de résister au refus de perdre viscéral du champion qu’est Novak Djokovic, de trouver la force, l’enthousiasme ou le sang-froid d’ aboutir mentalement, de ne pas trembler face à la perspective imminente de l’exploit, d’être capable de contrôler ce secteur – le secteur mental, donc – dont Djokovic a prouvé depuis 2011 qu’il en était le détenteur ultime des clés.

GS, le 8 / 4 / 2016