Quelque chose s’est passé hier au Masters 1000 de Shanghai, sur la côte est de la Chine. Quelque chose d’historique. Pour la première fois de l’histoire récente du tennis, aucun champion de la génération du Big Four n’était présent en demi-finale du tournoi, dont les quatre places ont été prises par des joueurs de la Next Gen, Tsitsipas, Medvedev, Berrettini et Zverev, dans l’ordre du tableau. Or l’énergie dégagée par ces derniers suite à leur balle de match respective, pleine d’envie, le niveau de jeu qu’ils ont produit pour en arriver là sont des indices que la passation de pouvoir souvent citée mais toujours différée par les rois en place depuis des lustres pourrait s’effectuer prochainement.
Certes, Rafael Nadal était blessé. Certes, moindrement, Juan Martin del Potro et Stanislas Wawrinka l’étaient aussi et Andy Murray n’a pas encore recouvré l’intégralité de ses moyens tennistiques. Il n’empêche. La façon dont Stefanos Tsitsipas disposa de Novak Djokovic fut impressionnante – qui rappela vaguement l’ascendant que peut prendre Wawrinka dans l’échange contre le Serbe lorsqu’il est réglé -, ainsi que celle dont Alexander Zverev eut raison de Roger Federer, toute en puissance contrôlée. A travers des schémas tactiques différents, c’est du reste cette même qualité qui offrit à Matteo Berrettini d’écarter Dominic Thiem, pourtant en forme, en faisant preuve de beaucoup de pragmatisme. Quant à Daniil Medvedev, l’actuel quatrième mondial qui pourrait bien monter encore, c’est sans difficulté qu’il franchit l’obstacle Fabio Fognini, inférieur à lui au service comme en envergure de jeu. En un mot, les moins de vingt-quatre ans ont montré leur force, marqué leur territoire comme jamais.
Naturellement, il ne faut pas en déduire qu’ils vont mettre la main sur le tennis mondial dès maintenant, sans retour. Que le tournant tant annoncé, tant différé, a été pris, le point de bascule final activé pour toujours. Djokovic, Nadal et moindrement Federer devraient continuer à gagner des grands titres pendant encore quelques mois, sinon quelques années – c’est à voir. Mais de toute évidence, ils ne le feront plus exclusivement, leurs noms ne seront plus les seuls à figurer en lettres d’or dans la bible des tournois majeurs. Cela parce que, minusculement, ils ont perdu de leur superbe. Cela parce que, majusculement, les joueurs de la Next Gen ont faim et que certains d’entre eux ont désormais trouvé les voies de la victoire au plus haut.
GS, le 12 / 10 / 2019